Terminales géopolitiques

Thème 2 – Faire la guerre, faire la paix :
formes de conflits et modes de résolution

mercredi 12 novembre

Axe 1 | La dimension politique de la guerre : des conflits interétatiques aux enjeux transnationaux.

Carl von Clausewitz (1780-1831), général prussien contemporain de Napoléon, s'est efforcé de penser la guerre dans un cadre théorique. Il l'interprète comme un acte politique : « la guerre est la continuation de la politique avec le mélange d'autres moyens », c'est-à-dire avec l'utilisation de la violence armée.

 

Axe 1 | La dimension politique de la guerre : des conflits interétatiques aux enjeux transnationaux.

A. Les leçons de Clausewitz : la guerre est un acte de nature politique.

Carl von Clausewitz, général prussien, contemporain de Napoléon. Il est l’ennemi de Napoléon. Après l’écrasement de la Prusse à Iéna, Napoléon entre à Berlin et impose la paix. Clausewitz est prisonnier, retenu en France (en semi-liberté). Par la suite, en 1812, Clausewitz se met au service du tsar, alors que le roi de Prusse est l’allié forcé de Napoléon. Après la retraite de Russie, Clausewitz participe aux dernières coalitions contre Napoléon, en 1813-14, puis 1814-15, jusqu’à Waterloo. Napoléon lui inspire un mélange de haine et d’admiration.

Clausewitz, qui n’a jamais été commandant en chef, a compensé par l’enseignement. Il forme les officiers prussiens, et il écrit une théorie de la guerre, inachevée, publiée à partir de 1832 par sa femme. C’est le livre De la guerre.

 

❑ Poly, extraits du traité de Clausewitz : la « formule » (« la guerre est la continuation de la politique avec le mélange d'autres moyens », autrement dit la violence) et « la guerre est un caméléon » (annoté en classe).

❑ Poly, « L'ascension aux extrêmes », c'est-à-dire la tendance à l'escalade guerrière, avec une analyse de Raymond Aron écrite dans le contexte de la Guerre froide, alors que l'existence des armes atomiques rend possible une guerre d'anéantissement à l'échelle planétaire.

La Guerre de Sept Ans : une guerre européenne et mondiale au XVIIIe siècle.

VOIR : la présentation de la guerre de Sept Ans par l'historien Edmond Dziembowski aux journées « Les rendez-vous de l'Histoire » à Blois en 2015.

vendredi 14 novembre

➣ Remise des copies du devoir № 2 (10 nov.) de type étude critique sur le thème 5 (l'environnement) : une lettre de Theodore Roosevelt à John Muir à propos du viaduc de Hetch Hetchy, 16 septembre 1907. Voir le corrigé.

lundi 17 novembre

➣ En quoi la stratégie de Frédéric II de Prusse pendant la Guerre de Sept Ans illustre-t-elle la théorie de Clausewitz ?

 

 

Ci-dessus, Frédéric II de Prusse (roi de Prusse de 1740 à 1786) conduisant ses troupes à Zorndorf (25 août 1758) contre les Russes. Cette image allemande du XXe siècle, juste après la 1re Guerre mondiale, est caractéristique de l'image du roi chez les nationalistes allemands de l'époque, parmi lesquels les futurs nazis. Pour ces derniers, Frédéric est non seulement un grand stratège, mais aussi un héros, capable de risquer sa vie pour donner l'exemple sur le champ de bataille. La réalité est moins glorieuse. La victoire de Zorndorf fut surtout une véritable boucherie : peut-être onze mille morts chez les Prussiens, le double parmi les Russes.
 
Frédéric portait une lourde responsabilité dans le déclenchement de la guerre, puisqu'il avait agressé ses voisins : conquis la Silésie aux dépens de l'Autriche et occupé la Saxe. Ces initiatives étaient téméraires. Il se retrouva bientôt face à une coalition de l'Autriche, de la France, de la Russie et de la Suède. Ses seuls alliés, les Anglais, étaient loin. Frédéric dut son salut à une stratégie d'usure, manœuvrant pour dissocier ses ennemis, livrant bataille le moins souvent possible – on est loin de l'image ci-dessus ! – pour économiser ses maigres forces. Frédéric, dont la situation semblait désespérée, parvint à se tirer d'affaire par cette stratégie prudente. Il eut aussi beaucoup de chance : en 1761, son ennemie la tsarine Elisabeth mourut subitement. Comme ses autres adversaires étaient fatigués de se battre, la coalition anti-prussienne se défit. Et en 1763, Frédéric conclut avec l'Autriche la paix de Hubertsbourg. Il rendait son indépendance à la Saxe, mais conservait la Silésie, en reconnaissant la légitimité de Marie-Thérèse sur l'Autriche. Contrairement à sa réputation, le génie de Frédéric II fut plus politique que militaire, et il consista surtout à surmonter les conséquences potentiellement désastreuses – en 1761, on pouvait se demander si la Prusse ne serait pas rayée de la carte – des risques énormes qu'il avait pris en déclenchant la guerre.

 

❑ « La guerre en dentelles » ⇔ l’intensité des combats est inférieure à celle des époques qui ont suivi. Une guerre très formalisée (avec déclaration de guerre), et une grande symétrie des armées opposées.
Une représentat° : le film de Stanley Kubrick, Barry Lyndon (1975). Le modèle = la bataille rangée [extrait de 4'01"].

❑ Ce sont des guerres dans un système politique homogène : tous les États en jeu sont des puissances européennes, ayant la même culture et le même type de légitimité. Ce sont des monarchies. L’enjeu de la guerre est politique, mais il est limité : une province (la Silésie), une rectification de frontière.

La stratégie de Frédéric II de Prusse pendant la guerre de Sept Ans vue par Clausewitz : Frédéric n'a pas mis en œuvre une stratégie d'anéantissement dont il n'avait pas les moyens. Son talent, au contraire, a consisté à mener une stratégie d'usure qui, conjuguée avec beaucoup de chance, lui a permis de sortir gagnant de la situation très périlleuse où il s'était mis lui-même.

Les guerres napoléoniennes : 1799-1815

Dessin de Gillray (Angleterre, 26 février 1805) « Le plumpudding en danger ou les hommes d'État épicurien prenant un petit souper ». Il résume l'affrontement géopolitique entre l'Angleterre et la France : à gauche, William Pitt, chef du gouvernement britannique, observe avec inquiétude Napoléon qui s'empare de l'Europe tandis que lui-même se réserve les océans.

L'infanterie française monte à l'assaut des positions russes lors de la bataille d'Austerlitz (2 décembre 1805) dans le film Guerre et paix de Sergueï Bondartchouk (URSS, 1966), d'après l'œuvre de Léon Tolstoï (1865-1869).

mercredi 19 novembre 2025

La bataille d'Austerlitz (2 décembre 1805), par le baron Gérard (1810), tableau conservé au château de Versailles. Il représente l'une des plus grandes victoires de Napoléon. Celui-ci est représenté en triomphateur, en stratège (apparemment) invincible. On lui apporte les drapeaux pris à l'ennemi, signe de victoire complète. Napoléon est ici « l'intelligence de l'État personnifiée », selon la formule de Clausewitz. En réalité, la situation était moins brillante. Certes, Austerlitz était une très grande victoire sur le continent (l'armée autrichienne écrasée, la russe en déroute), mais comme l'Angleterre avait gagné sur mer à Trafalgar le 21 octobre, rien n'était réglé. Rétrospectivement, c'est Trafalgar, et non Austerlitz, qui fait figure de victoire décisive, puisque Trafalgar a assuré à l'Angleterre la suprématie navale pour plus d'un siècle.

 

La F a 28 M d’hab. en 1789, elle est après la Russie la puissance la plus peuplée d’Europe.

❑ Napoléon Bonaparte (1769-1821) est un nobliau corse, issu d’une famille pauvre. Il a une formation militaire (officier d’artillerie). C’est la rév° qui en fait un général à 26 ans. 1796-1797 : commande l’armée d’Italie, bat les Autrichiens et conclut la paix de Campo Formio (1797), en outrepassant ses ordres. Il prend ainsi une initiative politique.
⇒ son « exil » en Égypte (1798-99) : le gvt l’éloigne de la F. Il revient et fait un coup d’État (18 Brumaire An VIII de la République = 9 nov. 1799). Il établit sa dictature, le Consulat. En 1804, il est proclamé empereur.

Donc des compétences militaires, mais aussi politiques. Une grande audace, bcp de détermination et une grande puissance de travail, avec un intellect exceptionnel. Son problème : faire la paix après les guerres de la Rév°. Or, Napoléon est contraint par les conquêtes de la Rév° qu’il ne peut pas abandonner pour des raisons de prestige national. Pour le Royaume-Uni, la possession des Pays-Bas par la F était inacceptable (c’était vital pour leur commerce avec le continent).

⇒ des guerres récurrentes (une except° : la paix d’Amiens 1802-03). L’Angleterre soutient toutes les coalitions possibles contre Napoléon.

1re phase : Napoléon accumule les victoires.

MAIS... (2e phase) :

⇒ Napoléon tente de faire la décision sur le continent, en abattant la seule puissance qui reste, la Russie. Celle-ci est en effet de plus en plus favorable aux Anglais.

⇒ 1812 : la campagne de Russie. C’est un désastre :

⇒ 1813 : la bataille des Nations à Leipzig où Napoléon est vaincu. Il perd l’Allemagne occupée depuis 1806.

Le reste est un épilogue : bataille de F en 1814, où Napoléon montre un talent tactique intact, mais manque de moyens, et perd donc. Il abdique. Exilé à l’île d’Elbe, il s’en échappe en 1815 et remonte sur le trône. Son retour, « les Cent jours » s’achève à Waterloo (18 juin 1815) : Napoléon est définitivement vaincu par Wellington (anglais) et Blücher (prussien). Napoléon est exilé à Sainte-Hélène dans l’Atlantique Sud où il meurt six ans plus tard.

❑ 1814-1815 : le Congrès de Vienne rétablit la paix en Europe sur la base d’un système homogène monarchique (Louis XVIII en F, la Restauration). la F rentre ds ses frontières de 1789.

B. Que valent les leçons de Clausewitz au XXIe siècle ?

❑ un contexte nouveau avec la multiplication de conflits asymétriques;

➪ un exemple : l’Afghanistan, texte de Robert Gates.

vendredi 21 novembre 2025

➣ Le point sur la méthode de la dissertation en HGGSP

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lundi 24 novembre 2025

 

Oussama ben Laden (1957-2011), saoudien, co-fondateur et chef, en 1987, de l'organisation terroriste islamiste Al Qaïda (« Le Fondement »). D'abord engagé contre l'URSS en Afghanistan avec le soutien des Américains, il se retourne ensuite contre eux parce qu'il veut les chasser d'Arabie saoudite. Cerveau des attentats du 11 septembre 2001 à New York et à Washington, il est abattu par un commando américain au Pakistan le 2 mai 2011. Son organisation lui a survécu. Ben Laden apparaît ici sur un écran de la chaîne d'information continue Al Jazeera, installée au Qatar. Ce média, souvent comparé à CNN, voire à la BBC, est parfois considéré un relai officieux de l'islamisme à l'échelle mondiale. Comme le gouvernement du Qatar, il serait en effet lié au mouvement des Frères musulmans.

 

La question d'Arthur : « guerre absolue et guerre réelle »

Une question centrale, puisqu'elle nous ramène à Clausewitz :

❑ La guerre absolue est pour Clausewitz la guerre « conforme à son concept », c’est-à-dire à l’ascension aux extrêmes. « Il n’y a pas de limites ».

❑ mais les guerres réelles sont souvent modérées par le politique : la guerre peut être limitée par le calcul des gains et des pertes auxquels se livrent les belligérants.

Pourquoi les guerres asymétriques se multiplient-elles à partir de la fin du XXe siècle ?

❑ Ce sont tjs des guerres pour des motifs politiques : par exemple, Ben Laden voulait chasser les Américains d’Arabie Saoudite.

❑ Elles tendent tjs vers l’ascension aux extrêmes (cf. les attentats de 2001, les massacres du 7 octobre 2023 et la guerre de Gaza).

⇒ les leçons de Clausewitz restent donc valables.

Les guerres asymétriques surviennent quand l’un des deux camps n’a aucune chance de l’emporter ds un conflit symétrique (ou n’en a pas la possibilité). La guerre asymétrique permet éventuellement au plus faible de l’emporter, par une stratégie d’usure.

Le terrorisme

New York, 11 septembre 2001. Le 2e avion de ligne détourné par Al Qaïda s'apprête à percuter la seconde tour du World Trade Center. Ce sont les attentats les plus spectaculaires de l'histoire, qui prennent les Américains par surprise. Cependant, ces attaques ne remettent pas en question l'hégémonie américaine. Elles ne produisent pas une rupture géopolitique comme l'avait fait, par exemple, la chute du mur de Berlin en 1989. La réaction américaine consiste cependant à déclencher deux guerres, en Afghanistan puis en Irak, qui ont exacerbé les tensions internationales et affaibli le leadership américain.

Le terrorisme est une forme de guerre. Il s’agit d’un usage rationnel de la violence, avec un calcul politique.
Autrement dit, ce n’est pas une violence spontanée, mais préméditée, tout à fait intentionnelle (et même si, souvent, le calcul est faux, ou inepte).

 

La stratégie du terrorisme selon Patrice Gueniffey, historien à l'École des Hautes études en sciences sociales, spécialiste de la Révolution française et de l'époque napoléonienne.

 

❑ Le terrorisme vise à mettre en difficulté un État en visant sa population ou ses serviteurs. En général, ça ne marche pas, mais cela n’empêche pas la permanence du terrorisme comme forme de guerre asymétrique.
Ex : le Hamas voyait que des États arabes faisaient la paix avec Israël (Accords d'Abraham, 2020) en faisant oublier la question palestinienne. Les massacres du 7-octobre ont réactivé celle-ci, en donnant aux Palestiniens le rôle de martyrs, et aux combattants du Hamas l’image, pour leurs partisans, de « résistants » purs et durs. Le Hamas a donc mené la politique du pire, pour faire échouer les tentatives de paix entre Israël et les pays arabes et discréditer l'Autorité palestinienne. Il a aussi attiré sur la population civile de Gaza les représailles israéliennes, dont on pouvait redouter qu'elles fussent dévastatrices.

vendredi 28 novembre 2025

LIRE : Gueniffey, Politique de la terreur.

❑ Al Qaïda a fonctionné comme une « ONG » du terrorisme djihadiste. Elle recrute d’abord ds le monde musulman, mais aussi ds les diasporas. C’est un islamisme sunnite. L’organisation survit à Ben Laden, abattu par les Américains au Pakistan en mai 2011.

❑ On observe que la stratégie de « guerre contre le terrorisme » choisie par George W. Bush a échoué : elle a au contraire exacerbé le djihadisme, que l’on peut voir comme une forme extrême d’opposition à l’hégémonie américaine et au modèle occidental. Échec de l’occupation de l’Afghanistan (2001-2021). La stratégie plus patiente d’Obama a été plus efficace. Al Qaïda reste actif, surtout en Afrique avec AQMI (Al Qaïda au Maghreb Islamique).

❑ Daesh, « l’État islamique » a d’abord essayé de disposer d’une base territoriale en Irak et en Syrie. C’est une org° qui a tiré parti du désordre consécutif à l’invasion américaine de l’Irak en 2003. Les E-U ont donc involontairement favorisé sa naissance. L’objectif était de reconstituer le « Califat », l’État musulman unifié des origines. Après la campagne d’une coalition occidentale et arabe contre Daesh, l’EI perd son territoire et devient une org° terroriste semblable aux autres.

❑ Comment prévenir le terrorisme ? Surtout par une politique d’éducat° et de prévent° de la radicalisat°. Accessoirement, par des actions de police, plus économiques que la guerre, et moins meurtrières, également moins susceptibles d’entraîner l’escalade.