Terminales géopolitiques
Thème 2 – Faire la guerre, faire la paix :
formes de conflits et modes de résolution
Axe 2 | Le défi de la construction de la paix.
En 1998, l'Allemagne rend hommage par l'émission d'un timbre poste aux diplomates qui négocièrent les traités de Westphalie qui, signés en 1648, mirent fin à la guerre de Trente Ans. Celle-ci avait ravagé et dépeuplé l'Europe centrale, notamment l'Allemagne. Le « modèle westphalien » devient synonyme d'un équilibre européen fondé sur des compromis et une culture diplomatique commune.
vendredi 28 novembre 2025
Comment mettre en place une paix durable ?
A. Les traités de Westphalie : le premier congrès de paix européen (1648).
➪ Écouter : Les traités de Westphalie avec l'historienne Claire Gantet, de l'université de Fribourg (Suisse), spécialiste de l'histoire de la guerre de Trente Ans, dans le podcast Storiavoce de Christophe Dickès (2024, 19'08"). Lire aussi l'article de Claire Gantet sur le site EHNE (Écrire une histoire nouvelle de l'Europe, de l'université Paris-Sorbonne).
➪ Lire: sur le site du Quai d'Orsay, le ministère des Affaires étrangères, le portrait d'un grand diplomate, artisan des traités de Westphalie. Abel Servien : un négociateur opiniâtre et pragmatique à Münster (1644-1648).
lundi 1er décembre 2025
➣ Corrigé de la dissertation du 26 novembre sur la guerre.
mercredi 3 décembre 2025
L'Europe à la signature des traités de Westphalie (1648), carte scolaire ancienne, mise en ligne par l'Université d'Artois.
➪ Lecture de l'article de Lucien Bély sur les traités de Westphalie.
La France catholique s'allie aux États protestants pour contrer l'hégémonie des Habsbourg. Les traités de 1648 constituent une paix de compromis, mais c'est aussi un succès français, puisque les buts de guerre visés par Richelieu en 1635 sont pour l'essentiel atteints : l'empire est affaibli, la « monarchie universelle » dont rêvaient les Habsbourg reste un rêve.
Les traités de Westphalie
- Mettent en place un système d'États souverains. La notion de souveraineté est centrale.
- Maintiennent le Saint Empire romain germanique (962-1806), mais l'empereur, toujours choisi parmi les Habsbourg, est affaibli.
- Les princes allemands (parmi lesquels les protestants) obtiennent en effet un jus belli et fœderis (droit de faire la guerre et de conclure des alliances) qui, même limité par la clause qui stipule que ce ne peut être contre l'empereur, revient à une reconnaissance de souveraineté.
- Des clauses assurent le retour au calme sur le plan religieux : on revient à la situation de 1624 ; en général, les sujets d'un prince doivent avoir la même religion que lui.
- Et on amnistie les crimes de guerre (on parle à l'époque de « clause d'oubli »).
- En pratique, la signature des traités a été influencée par la victoire française de Lens (août 1648), mais aussi par la lassitude vis-à-vis d'une guerre qui a vu mourir jusqu'à 30% de la population dans certaines régions allemandes. On voit apparaître des descriptions médicales de pathologies liées au traumatisme de la guerre : mélancolie, nostalgie.
- La France est l'arbitre de cette paix de compromis. Le français devient la langue diplomatique de l'Europe à la place du latin.
❑ Après les traités de Westphalie, l'Europe est souvent perçue comme une sorte de «grande république», c'est-à-dire une communauté, partageant des valeurs communes, que Voltaire (1694-1778) a décrite dans Le siècle de Louis XIV (1751) : lire le texte en question. On remarquera :
- Que l'Europe est qualifiée de « grande république », que Voltaire insiste sur l'existence d'une culture commune, aussi bien dans les usages diplomatiques que dans la conduite de la guerre. On retrouve l'idée de système homogène, ayant un principe de légitimité commun.
- Que les négociations peuvent très bien se tenir parallèlement à la poursuite de la guerre, ce qui a été la cas avant la signature des traités de Westphalie.
- Autre trait westphalien, la notion d'Europe « chrétienne » (on se souviendra que Voltaire est déiste, donc fort peu chrétien). Cela signifie surtout qu'il ne fait pas de différence entre catholiques et protestants.
- L'Europe se distingue donc par de bonnes manières : on respecte l'immunité diplomatique, on ne tue pas les prisonniers de guerre, mais le risque de guerre existe toujours (la preuve : la guerre de Sept Ans).
- La Russie entre dans le « concert européen » avec Pierre le Grand (1682-1725), qui se rapproche de l'Europe pour rattraper le retard scientifique et technique de la Russie. Symbole fort : en 1703, Saint-Pétersbourg (située plus à l'ouest que Moscou) devient la capitale de l'empire russe. Pierre le Grand et Vladimir Poutine ont quelque chose en commun, qui est la politique de puissance, mais ils aboutissent à des choix opposés : le premier s'était rapproché de l'Europe, le second entre en confrontation avec l'Europe et s'allie avec des puissances asiatiques, Chine et Corée du Nord.
➪ DÉCOUVRIR une vision des relations internationales à partir du « modèle westphalien », celle de l'historien et expert en stratégie Christian Malis (1967-2017) dans Guerre et stratégie au XXIe siècle, livre publié en 2015. Il distinguait un monde « néo-westphalien » en Asie orientale où se poursuit une politique d'équilibre entre puissances, un monde « post-westphalien » (Union européenne et OTAN), où le recours à la guerre semblait désormais improbable, et un monde « pré-westphalien » où les États post-coloniaux sont fragiles et parfois menacés de désintégration, comme en Afrique et au Moyen-Orient.
vendredi 5 décembre 2025
➪ VOIR : La paix de Westphalie, une émission de la série Quand l'histoire fait dates sur Arte avec l'historien Patrick Boucheron, professeur au Collège de France (2025, 26'38"). Comment sort-on d'une guerre comme la guerre de Trente Ans ?
➪ Les Grandes Misères de la guerre, série de dix-huit eaux-fortes de Jacques Callot inspirées par la guerre de Trente Ans (1633).
➪ Un grand diplomate, unique signataire de la paix de Münster en 1648 : la carrière d'Abel Servien, d'après l'historien Lucien Bély.
➪ Pour lundi 8, lire la carrière de Kofi Annan, d'après le site de l'ONU. C'est une autre biographie d'un grand diplomate à une époque différente. Dans la logique du programme, nous ferons la comparaison avec Servien. Une diplomatie entre États souverains à l'échelle européenne au XVIIe siècle (modèle westphalien) dans un cas, dans l'autre une diplomatie de sécurité collective à l'échelle mondiale au tournant des XXe et XXIe siècles.
lundi 8 décembre 2025
B. L’ONU sous le mandat de Kofi Annan (1997-2006)
© Wikipedia
K. Annan, ghanéen, secrétaire général fin XXe-début XXIe siècle. Comment faire la paix par la sécurité collective ?
➙ Il s’agit de comparer deux grands modèles des RI : le modèle westphalien des XVIIe et XVIIIe siècles, à l’échelle européenne ; de l’autre le modèle de sécurité collective représenté par l’ONU à l’échelle mondiale.
Quelles différences entre les deux exemples ?
- Différences d'échelle : européenne / mondiale.
- Différences quant au type de système international : système homogène ds l’Europe des XVIIe et XVIIIe s. (du moins jusqu’à la Rév° fr). / système hétérogène, où on distingue de plus en plus un clivage Occident / reste du monde, accessoirement un clivage États-Unis / Europe (apparu dès l’époque de KA, avec la guerre contre l’Irak en 2003).
- Différences quant aux principes politiques : d’un côté des États souverains, à la recherche d’un équilibre ; de l’autre l’idée de sécurité collective, qui implique un dépassement des souverainetés (mais avec, en l’occurrence, une permanence des relations de puissance).
L'époque de Kofi Annan en bref :
➪ Voir : sur le site du journal Le Monde, «Kofi Annan, une vie au service de la paix», video publiée en 2018, au moment de la mort de l'ancien secrétaire général de l'ONU [env. 5'].
➪ Un article de la revue Cahiers d'histoire (№ 142, 2019) sur la vie et le bilan de Kofi Annan à l'ONU.
- une période difficile (1997-2006), puisque c’est celle de la guerre en Irak (2003), donc de tensions croissantes entre l’ONU et les grandes puissances, avec une mutiplication de conflits régionaux (Moyen-Orient, Afrique subsaharienne).
- KA incarne l’ONU ds ce contexte, tente de rendre à l’organisation une réactivité plus grande (lutte contre le SIDA, pour les droits de l’homme, des femmes, environnement). Il n’a pas hésité à résister à George W. Bush, qui a défié l’ONU.
La sécurité collective
- La SC apparaît avec la SDN au lendemain de la 1re GM.
- C’est une idée du pdt américain Wilson.
- Et ce fut d'abord un échec, puisque la SDN disparaît en 1940, sans avoir pu empêcher la 2e GM. Dès 1935, elle est impuissante à empêcher l’agression de l’Éthiopie par l’Italie fasciste.
- Et la France, Aron y est très sensible, a payé en mai-juin 1940 les illusions qu’elle s’était faite sur la SC. D’où un point de vue critique.
Le président américain Thomas Woodrow Wilson présente en 1918 ses buts de guerre dans ses Quatorze points. Il y exprime sa vision d'un « monde où la démocratie serait en sécurité » (“A world safe for democracy”). Cela débouche sur le projet de Société des Nations, intégré au Traité de Versailles. La SDN est le premier système mondial de sécurité collective : « un système juridique qui assure effectivement la sécurité des États et enlève à ceux-ci le droit de se faire justice eux-mêmes ». Mais Wilson ne parvient pas à faire ratifier le traité en raison de l'opposition du Sénat où le leader des républicains, Cabot-Lodge, appuie son refus sur des arguments souverainistes. L'absence des États-Unis dans la SDN a été l'une des raisons de son échec. L'idée de Wilson était progressiste. Elle visait à la paix mondiale autour des valeurs de la démocratie américaine et sous l'égide des États-Unis. Là est aussi son point faible : elle partait du principe d'une hégémonie américaine – certes bienveillante –, sur le monde. Une hégémonie (ou leadership), présentée comme la « destinée manifeste » des États-Unis.
mercredi 10 décembre 2025
➪ La sécurité collective vue par Raymond Aron (document annoté en classe, quelques compléments ont été ajoutés). Aron, témoin de la montée en puissance d'Hitler, puis de la défaite de la France en mai-juin 40 (date à laquelle la SDN cesse d'exister) a été très critique vis-à-vis de l'idée de la sécurité collective, et d'autant plus qu'il y avait cru dans sa jeunesse. La défaite de 1940 a été l'aboutissement des illusions que la France s'était faite, depuis le pacte Briand-Kellog, sur la sécurité collective. Dans Paix et guerre entre les nations, livre écrit en 1962, il expose donc ses réserves quant à l'idée même de sécurité collective. Réaliste, il recommande une politique de prudence (concept hérité d'Aristote : la prudence, en grec, se dit φρόνησις / phrónēsis), qu'il définit par l'observation attentive des situations concrètes, la méfiance vis-à-vis des normes ou des slogans, et la modération dans l'action politique. Autrement dit, il rejette une approche idéaliste ou idéologique de la politique étrangère, comme celle de Wilson. En politique étrangère, Aron est un réaliste.Repères sur l'ONU :
❑ Les Nations Unies sont d’abord le nom que prend l’alliance anglo-américaine contre l’Axe (août 1941 : Charte de l’Atlantique).
❑ En juin 1945, l’ONU naît à la conférence de San Francisco.
❑ Au départ : 51 États (193 en 2025, augmentation due à la décolonisation et à la fin de la GF).
❑ Des institutions : l’Assemblée générale et le siège de l’ONU à NY (la SDN était à Genève) ⇔ une translation de l'Europe à l'Amérique qui reflète la puissance des États-Unis en 1945.

Bande dessinée publiée pour la campagne de réélection du président Harry Truman en 1948. Elle met en valeur le siège new-yorkais de l'ONU, relais du rôle providentiel (on retrouve la notion de leadership ou de « destinée manifeste ») que les États-Unis entendent jouer dans le monde après la 2e guerre mondiale.
❑ Institution centrale : le CSONU (Conseil de sécurité) avec 5 membres permanents, capable de prendre des décisions contraignantes (résolutions). Les 5 membres permanents sont les vainqueurs de 1945 : E-U, URSS (puis Russie), Chine (communiste à partir de 1971), F et RU. Chacun a un droit de veto.
❑ L’ONU reflète la double réalité du système international : la sécurité collective, le multilatéralisme, mais aussi, à travers le CSONU, la permanence de la politique de puissance. Si les 5 ne sont pas d’accord entre eux, si un seul s’oppose à un projet de résolution, l’ONU est paralysée. Autre pb : les 5 ont été choisis en 1945 et ne sont plus les ppales puissances d’aujourd’hui. La F et le RU sont déclassés ; l’Inde, le Japon, le Brésil, voire l’Allemagne ont souhaité devenir membres permanents, en vain puisque les membres permanents actuels n'ont aucune envie de céder la place ou de partager leur privilège (la Chine ne veut pas de l'Inde ni du Japon, la France et le Royaume-Uni n'ont pas vraiment envie d'accueillir l'Allemagne). Enfin, il ne serait pas facile de désigner un membre permanent dans certaines régions du monde où aucune puissance ne se détache de manière évidente : Afrique, Moyen-Orient, monde musulman en général.
➙ Nous amorçons ensuite l'étude conclusive, sur les conflits et tentatives de paix au Moyen-Orient.